Aurélie est maman de la petite Norah, 8 ans. Elle nous explique comment elle est passée des larmes à la fierté de voir sa fille grandir et s’épanouir malgré sa maladie.

La première étape : comprendre la gravité de la maladie

À la naissance de Norah, Aurélie et son mari ignoraient l’existence de la phénylcétonurie. Suite au test de Guthrie, le téléphone sonne. « On nous a dit que notre fille était atteinte d’une maladie rare, sans plus de précision. Vous imaginez notre état d’inquiétude en arrivant à l’hôpital. En tant que parents, c’est horrible, nous passons du rêve au cauchemar. »

Vient alors la rencontre avec la pédiatre qui leur annonce que leur fille est atteinte de phénylcétonurie. « Nous ignorions cette maladie jusqu’à ce jour. Le corps médical a tenté de nous rassurer en nous disant que Norah grandirait comme les autres enfants, mais nous étions très inquiets. Nous avons été désarçonnés quand la pédiatre nous a dit “Je suis rassurée de vous voir pleurer”. Pour elle, c’était le signe que nous avions compris la maladie et que nous allions tout faire pour aider Norah. »

La culpabilité face à la maladie, un sentiment naturel

Aurélie et son mari ont alors appris qu’ils étaient tous les deux porteurs du gène, sans que nous le sachions. « Au début, nous avons beaucoup culpabilisé mon mari et moi. Ce sentiment de culpabilité est toujours là. Quand Norah a une baisse de moral, on s’en veut à nouveau. »

Mais le temps et les efforts consentis par toute la famille permettent aux parents de goûter au plaisir de voir leur fille s’épanouir malgré la phénylcétonurie. « Heureusement, quand nous voyons notre fille grandir tout à fait normalement, cela nous donne le courage de persévérer. Norah a commencé à marcher et à parler en même temps que les autres enfants, ce qui nous a finalement rassurés. Aujourd’hui, elle travaille très bien à l’école, une preuve supplémentaire que nos efforts en valent la peine. »

Tous unis face à la phénylcétonurie

Le corps médical a joué un rôle important pour guider Aurélie et son mari. « Au départ, nous pensions adapter notre alimentation pour manger comme Norah. Le centre nous l’a vivement déconseillé, car tôt ou tard, Norah allait être confrontée aux assiettes des autres. Nous avons donc conservé une alimentation classique. »

Si les parents se sont immédiatement montrés protecteurs vis-à-vis de leur petite fille, Mathys, son frère aîné, l’a été tout autant. « Mathys, qui a 14 ans aujourd’hui, a rapidement veillé sur sa petite sœur, surtout à son arrivée à l’école, où les échanges alimentaires sont courants. Lui aussi a fait preuve de beaucoup de maturité et d’implication vis-à-vis de Norah. »

Et pour cause : les parents de Norah n’ont jamais caché la particularité de leur fille, tant à leur famille qu’à leurs amis. Pour eux, la communication est la clé pour protéger leur enfant. Ainsi, leur petit dernier, Sasha, 4 ans, commence lui aussi à comprendre le régime particulier de sa grande sœur. « Sasha est parfois plus taquin, mais quand il se moque un peu des aliments de sa sœur, nous lui réexpliquons tout et Il s’excuse aussitôt. »

Parler de la maladie autour de soi

Quand elle était encore bébé, il était plus facile pour Aurélie et son mari de contrôler l’alimentation de leur fille, d’autant que l’alimentation des nourrissons phénylcétonuriques diffère peu de celle des autres enfants. En revanche, l’entrée à l’école était la première étape stressante pour le couple. « Pour éviter tout problème, nous nous sommes adressés au directeur de l’école et aux enseignants. Nous leur avons expliqué la situation. Ils se sont montrés très intéressés par cette maladie qu’ils ignoraient également. Ils nous ont même demandé la farde de documentation que nous avions reçue de la part du centre hospitalier. Ils avaient beaucoup de questions, auxquelles nous avons répondu. Chaque professeur a ensuite organisé une réunion avec ses élèves pour leur expliquer le cas de Norah. Toute l’école est ainsi conscientisée. Chaque fois qu’un anniversaire est célébré à l’école, les professeurs ou les parents nous préviennent de façon à ce que nous puissions prévoir un gâteau pour Norah. »

Que ce soit à l’école ou en-dehors, Norah peut compter sur la bienveillance de ses amis et de leurs parents. « Nous expliquons aux parents la particularité de Norah. Ceux-ci se montrent très réceptifs. Certains sont même très investis. Par exemple, quand Norah est chez une amie, la maman nous envoie plusieurs messages pour savoir si elle peut donner telle ou telle chose à notre fille. C’est très rassurant de voir les autres parents aussi prévenants. »

Les autres enfants ne sont d’ailleurs pas en reste quand il s’agit de veiller sur Norah : « Les autres élèves se sont montrés très matures et responsables. Certains intervenaient quand un camarade voulait lui donner quelque chose qu’elle ne pouvait pas manger, c’est très étonnant ! »

Les repas PCU : toute question d’organisation !

Aurélie et son mari travaillent tous les deux. Les week-ends sont donc consacrés aux courses et à la préparation des repas de la semaine. « Aujourd’hui, nous passons beaucoup de temps en cuisine. Il y a toujours plusieurs sortes de légumes, mais ses deux frères et mon mari continuent à manger de la viande. Une fois par semaine, ou quand Norah a une baisse de moral, nous mangeons tous comme elle : plats végétariens, burgers de légumes, etc. Ça lui donne la motivation pour continuer. Nous essayons aussi de lui préparer des plats qu’elle aime, comme ses pâtes-bolo sans viande, son plat préféré. En règle générale, nous avons la chance qu’elle aime beaucoup les légumes. »

Outre le quotidien, il y a aussi les autres événements de la vie. Là encore, la petite famille s’organise pour que tout se passe à merveille. « Lorsque Norah part en classe verte, les professeurs contactent le gîte quelques semaines à l’avance. J’entre alors en contact avec le cuistot qui me donne le menu de la semaine. Je peux ainsi préparer les plats de Norah en prévision. »

Pour les vacances et autres activités récréatives aussi, la famille a dû s’adapter pour mieux répondre aux besoins de leur enfant. « On ne peut pas se permettre d’être des parents désorganisés. Depuis que Norah est présente dans nos vies, on privilégie plutôt les vacances dans une villa avec cuisine plutôt que dans un hôtel. Il faut essayer de limiter les imprévus au maximum, car on ne retrouve pas les aliments adaptés dans n’importe quel magasin. Nous sommes allés plusieurs fois au restaurant avec Norah, mais elle a fini par se lasser de toujours avoir le même menu. Nous n’y allons donc plus en famille. Quand nous en avons envie, nous y allons parfois en couple, quand les enfants sont à l’école. On rêverait de trouver l’alimentation de Norah partout. »

La maladie rend les enfants plus matures

Du haut de son jeune âge, Norah impressionne ses parents et professeurs par sa grande maturité. « Très vite, elle a compris que le sport pourrait lui permettre d’élargir son régime par la suite. Elle a donc commencé la gym acrobatique. C’est une gentille petite fille très mature pour son âge, comme la plupart des autres patients d’ailleurs. »

S’il n’est pas toujours simple de mettre des mots sur la phénylcétonurie lorsque l’on s’adresse à un jeune enfant, ses parents, avec l’aide du corps médical, ont pu l’éveiller très tôt à l’importance de son régime. « Nous avons été rapidement pris en charge par le centre Pinocchio qui nous a guidés. Nous avons ensuite expliqué à Norah qu’il s’agit d’une maladie assez grave, qu’elle devait suivre un régime. Elle l’a assez bien vécu, même si depuis à peu près un an, elle est attirée par notre nourriture. Elle dit parfois que notre repas a une odeur plus alléchante que le sien, elle manifeste l’envie de goûter nos plats. Nous essayons de ne pas craquer, lui expliquons l’importance de suivre son régime et que notre nourriture n’est pas nécessairement meilleure que la sienne. Nous essayons aussi de l’intégrer à la préparation de ses plats, pour qu’elle les agrémente à son goût. Nous lui avons déjà demandé comment elle fait pour résister. Elle nous explique alors qu’elle se concentre sur autre chose, jusqu’à ce que l’envie lui passe. »

Parfois, Norah surprend même ses parents par sa sérénité : « Norah est très autonome par rapport à son régime. Par exemple, quand le boucher lui propose un morceau de jambon, elle refuse poliment. Nous avons une chance inouïe d’avoir une fille aussi mature et responsable. »

La phénylcétonurie, il faut en parler

Aurélie nous explique à quel point les réactions des autres parents l’ont agréablement surprise. « Au départ, je craignais que les gens ne comprennent pas l’ampleur de la situation, qu’ils considèrent la phénylcétonurie comme une simple allergie. En discutant un peu, on se rend compte qu’ils intègrent rapidement le caractère crucial de ce régime. Ils sont même très curieux et veulent en savoir davantage sur la phénylcétonurie. C’est une maladie encore trop peu connue. »

Heureusement, les centres et les réseaux sociaux permettent à Aurélie de communiquer avec d’autres parents et patients. Ils peuvent ainsi se soutenir mutuellement et s’échanger des astuces et recettes. « Dans les centres, on rencontre parfois des parents qui ne semblent pas prendre pleinement conscience de l’enjeu du régime. Il faut les accompagner pour qu’ils puissent aider leur enfant à se développer correctement. Nous échangeons entre parents sur les réseaux sociaux, lorsqu’un nouveau produit sort par exemple. Une maman partage aussi de nombreuses recettes sur sa page Facebook, “La Cuisine de Jules”. D’autres groupes existent, comme “Les Phénylous”. Il y a aussi les ateliers culinaires organisés par HellowPro. À l’issue des réunions organisées par les centres hospitaliers, nous recevons aussi un menu complet, de l’amuse-bouche au dessert et des livres de recettes. Ça nous motive à continuer, c’est très important pour nous. »

Pour Aurélie, il est crucial de conscientiser le grand public à la phénylcétonurie : « Il ne faut pas oublier cette maladie ! Il faut la médiatiser davantage et sensibiliser les gens. C’est à mon sens une excellente façon de soutenir les phénylcétonuriques et leurs proches. Il faut aussi valoriser toute la structure qui se met en place autour d’eux : médecins, diététiciens, cuisiniers... »

Ne pas affronter seul la maladie

Aurélie nous confie être inquiète pour l’adolescence de sa fille. « J’ai peur qu’elle se rebelle et abandonne son régime. Plus tard, si Norah décide d’être maman, il faudra aussi suivre attentivement sa grossesse, mais nous avons encore le temps de voir venir. Nous savons aussi que nous pourrons compter sur le corps médical pour nous conseiller et la suivre tout au long de sa vie. »

Pour Aurélie, la clé du succès réside dans le fait d’être soutenue. « La force de Norah vient aussi de son papa. Il cuisine aussi pour elle, lui prépare de petits gâteaux… Il m’aide aussi à faire face. Ce serait bien plus compliqué si j’étais seule. Finalement, c’est le fait d’être tous unis pour Norah qui fait notre force. C’est aussi très important pour elle au quotidien. »

Les astuces d’Aurélie pour aider son enfant à s’épanouir malgré la maladie

  • Expliquez la maladie autour de vous. Les gens se montrent souvent très bienveillants.
  • Pour vos vacances, optez pour une villa avec cuisine pour y préparer des repas pauvres en protéines.
  • Organisez régulièrement un repas PCU pour toute la famille. Votre enfant se sentira soutenu et motivé à poursuivre son régime.